Karine Laseva de Quantik Mama dit : Collectivement, est-ce qu’on parle et s’investit si peu dans le premier trimestre de grossesse parce qu’on sait que la femme pourrait perdre le bébé ? Avons-nous à ce point besoin d’une garantie de livraison pour aimer et prendre soin des femmes nouvellement enceintes ?
Ça me fait peur…
Car ce constat tendrait à croire que ce que l’on retient, ce qui compte et ce que l’on célèbre, ce sont les naissances et uniquement les naissances. Et par conséquent, ce que l’on oublie, ce qui ne compte pas, ce que l’on ignore, ce sont les mères et leur corps qui les auront rendues possibles, comme le soulève si intensément Camille Froidevaux-Metterie dans le livre de Judith Aquiem, Trois mois sous silence.
Double peine pour celle qui le vit…
J’ai 3 enfants et j’ai démarré 6 grossesses… qui compte les grossesses ? Qui
prend soin des femmes en début de grossesse, qu’elle se poursuive ou
qu’elle s’arrête ? On vit pourtant bien les mêmes choses dans notre corps ?
C’est comme si ce qui n’est pas visible physiquement à l’extérieur, n’est
pas présent à l’intérieur, au creux de notre ventre et dans la moindre de
nos pensées.
Le Tabou de la fausse couche
Le test de ma 2ème grossesse qui s'est arrêtée à 8 SA.
C’est ainsi que je viens doucement vous parler du sujet délicat de la fausse couche. Je déteste ce mot qui minimise tout et qui ne veut rien dire comme pour que nous ne disions rien mais je veux en parler pour celles qui l’ont vécu ou le vivront un jour. Une femme sur quatre subira une grossesse arrêtée au cours de sa vie. Entre 15 et 20% des grossesses au premier trimestre se termineront en fausse couche, ce qui explique probablement les tabous et la fameuse "règle" des 3 premiers mois avant d'annoncer sa grossesse. C'est donc fréquent. Fréquent mais pas anodin et encore moins faux.
Une grossesse qui s’arrête n’a rien de faux, tout est vrai, c’est l’expérience du vide, d’une prise en charge crue, c’est l’expérience du deuil, deuil de notre projection, deuil de notre ventre qui ne deviendra pas rond, deuil d’une promesse, deuil d’un enfant à venir.
L'idée n'est pas d'ajouter un deuil pour les personnes qui ne le vivent pas comme tel mais c'est de ne pas ignorer non plus les émotions ou la souffrance pour celles et ceux qui le vivent ainsi. Les choses ne sont pas équivalentes, c'est très intime, personnel à chacune, à chacun. Et tout est juste.
La peur n’évite pas le danger et tout comme le fait d’en parler ne le fait pas venir non plus alors je vous en parle pour que vous sachiez et pour qu'on puisse enfin soutenir les femmes et les couples qui traversent l'expérience de la fausse couche.
Une expérience physique ignorée et psychique invisibilisée
Je ne le savais pas encore mais ce soir là ma grossesse allait prendre fin...
Dans notre société, la fausse couche est complètement banalisée tant par l'entourage (quand il le sait, ce qui est encore un autre sujet) que par les professionnels de santé. Il n'y a pas ou peu d'accompagnement émotionnel, pas ou peu d'informations sur la physiologie. L'expérience physique n'est pas nommée, quelle quantité de sang, les sensations physiques, la douleur, que va-t-on recueillir...
"Je ne m'attendais pas à cette douleur ?"
"Je ne savais pas ce qui allait sortir de mon corps?"
Alors voici ce qu'on devrait savoir d'après moi...
Symptômes de la fausse couche
On peut avoir du spotting (petites pertes de sang brunes comme en début ou fin de règles), des saignements, mal au dos ou au bas ventre, une intuition, des contractions, le décroissement des signes de la grossesse, l'arrêt des nausées, moins de sensibilité au niveau des seins... Mais ce n'est pas non plus nécessairement les symptômes d'une fausse couche car certains de ces signes cessent aussi généralement naturellement au second trimestre de la grossesse. Pour vérifier, il est possible de faire une échographie abdominale ou une échographie vaginale. Cette dernière peut être vécue comme quelque chose d'invasif pour la personne enceinte, donc il est aussi possible de faire une prise de sang pour contrôler le taux de HCG. Vous pouvez choisir.
Quand la grossesse s'arrête
Si on ne vivait pas dans une société où l'on faisait des échographies de contrôles au premier trimestre, si ce n'était pas si ancré en nous, qu'on attendrait le second trimestre, on ne vivrait pas ces annonces choc d'arrêt de grossesse, on aurait du temps, on laisserait du temps au corps pour nous le montrer et nous préparer. Mais ce n'est pas le cas.
Alors quand on apprend que sa grossesse n'est pas viable, on devrait recevoir toutes les informations et les possibilités suivantes :
En premier lieu, on devrait nous laisser du temps pour assimiler la nouvelle. On pourrait simplement rentrer chez soi et laisser venir la fausse couche par elle-même si ce n'était pas déjà la cas.
Attendre et laisser la nature faire.
C'est une option possible et sécuritaire même si ce n'est pas facile à vivre dans une société où l'on a plus forcément la pleine autorité sur notre corps. On se sent si diminuée face à cette situation qu'on se remet souvent entièrement au corps médical.
Quand on attend, il est parfois possible que cela prenne plusieurs jours ou même plusieurs semaines et c'est ok. Mais si ça devient trop pour vous, trop émotionnellement, trop long dans le temps pour mille et une raisons (un désir si fort d'être enceinte, un besoin pressant de concevoir rapidement par rapport à un âge, que c'est trop long d'attendre une fenêtre de 2 cycles ou pour des raisons plus "pratiques" comme un voyage à venir, un évènement, le travail et qu'on a pas envie de saigner dans ces moments là, qu'on a envie d'être chez soi, qu'on a besoin de soutien...) et bien on a le droit de changer d'avis et se laisser la possibilité de faire autrement... Et de rappeler son praticien pour une autre option.
On peut choisir la solution médicamenteuse qui est aussi très sécuritaire. On peut prendre les médicaments prescrits à l'hôpital ou à la maison dans son intimité pour pouvoir le vivre à sa manière. Cette option peut être aussi une façon de retrouver un peu de contrôle sur cette situation complètement hors de contrôle.
Il y a un premier médicament a prendre oralement puis un second à prendre 24h après de façon orale ou vaginale.
On recommande de prendre un anti-douleur au moins une heure avant car on provoque le processus, ce qui peut parfois amener à plus de douleurs, plus de sensations vraiment physiques.
La fausse couche est provoquée de façon très efficace en général : dans les 24h, il va y avoir des saignements et dès les 2-3 premières heures, il y a le plus gros des saignements, voir même dans l'heure.
Une autre option est possible et qui est encore recommandé en première attention par beaucoup de praticiens, c'est le curetage. C'est une intervention très invasive qui vise à gratter à l'intérieur de l'utérus pour vider son contenu. C'est presque banalisé dans le paradigme médical alors que c'est une intervention qui peut avoir de réelles conséquences sur nos organes pelviens avec d'autres répercussions possibles (traumatismes, tissus cicatriciels, adhérences, problèmes gynécologiques, problème de fertilité, syndrôme d'Asherman, aménorrhée, hypoménorrhée, endométriose, douleurs pelviennes, infertilité, fausse couche de nouveau). Donc demandez toujours à votre praticien de vous expliquer le protocole, de quoi s'agit-il vraiment, pourquoi il préconise cette option, les risques et les conséquences possibles car or urgences médicales ou psychologiques, il n'y a aucune raison de privilégier le curetage en premier.
D'autant plus quand on sait que la solution médicamenteuse peut être prescrite en cas d'échec une seconde fois pour être prise 24h après de façon toujours aussi sécuritaire.
Parfois et de façon très rare, la fausse couche a besoin d'avantages d'interventions médicales et les éléments à surveiller sont la fièvre, les sensations de malaises et les saignements trop abondants : on parle de 2 serviettes maximales, les plus grosses du marché remplies de haut en bas et de gauche à droite en une heure, là il s'agit de trop gros saignements. Et dans l'un de ces cas ou dès que vous en ressentez le besoin, il faut appeler votre médecin, votre sage-femme ou l'hôpital et partir.
Fausse couche : quelles sensations ?
Parfois très minimisées par le corps médical, les sensations sont variables d'une femme à une autre et d'une grossesse à une autre... On peut ressentir des petites crampes ou alors au contraire plus comme des grosses crampes similaires à des contractions très douloureuses. Certaines femmes vivent la fausse couche comme de grosses menstruations mais d'autres davantage comme un réel accouchement. Il y a de la douleur physique mais aussi de la douleur dans son cœur ce qui peut considérablement amplifier toutes les sensations. Mais il est possible d'y apporter douceur, soutien et amour.
Vivre une fausse couche dans son couple et dans son intimité
C’est ainsi que j'ai envie de terminer cet écrit en vous partageant ce que pourrait être l'espace d'une fausse couche, un espace cru et doux à la fois, un espace pour traverser le portail d'une grossesse arrêtée.
Quand on le vit chez soi, dans l'intimité de son cocon, on peut mettre en place des rituels pour soulager, apaiser, soutenir, reconnaître, on peut prendre un bain chaud, mettre une musique, des fleurs, bercer les au-revoirs à sa grossesse, à son bébé. On peut demander du soutien à son ou sa partenaire, à une amie, à une doula, une personne ressource d'être juste là pour nous.
On peut prévoir une bouillotte chaude à déposer sur le bas de son ventre, on peut se faire préparer une infusion de plantes soutenantes à base de feuilles de framboisiers et de menthes poivrées pour tonifier l'utérus, on peut y ajouter de l'ortie pour revigorer le sang et diminuer le risque d'hémorragie (mais le corps est bien fait et sait évacuer un bébé qui n'est plus viable). Pour soutenir le moment, on peut aussi prendre du CBD aux bienfaits anti-inflammatoires pour diminuer les douleurs.
On peut se créer comme un espace d'accouchement sur son lit avec des alèses ou des serviettes, des coussins... On est pas obligée d'être au-dessus des toilettes et laisser s'évacuer tout ça ainsi. Les contractions arrivent, les premiers écoulements de sang peuvent avoir lieu très rapidement, il y a la rupture de la poche des eaux quand l'arrêt de grossesse est plus tardif à la fin du premier trimestre et puis il y a des caillots de sang. Et un gros caillot. On peut observer, comprendre... On peut oser fouiller dans les caillots pour trouver un œuf, un embryon. Comme on peut ne pas le faire car il faut se préparer à voir un bébé qui ne ressemble pas à un bébé, qui n'est pas encore formé ou pas aussi parfait que les images google ou autres applications. Quoiqu'il arrive, vous êtes libre de le vivre à votre manière, de ritualiser si vous en ressentez le besoin, vous pouvez lui écrire une lettre, vous pouvez l'enterrer au pied d'un bel arbre, le remettre à une rivière, le brûler et déposer les cendres dans un lieu cher à votre cœur... ou tout autre chose qui vous parle, qui vous aide, qui vous connecte à ce que vous venez de vivre.
Le besoin de repos, de chaleur et de maternage s'applique tout autant après une fausse couche, donc autorisez-vous le.
Les saignements continueront... il y a souvent du spotting, ça s'arrête puis ça repart sur plusieurs semaines.
Le corps sait et il fait.
J'imagine que tous ces mots ne seront pas faciles à lire et peut-être même dérangeants pour certains mais je le fais pour toutes celles qui le vivront dans leur cœur et dans leur corps.
Je vous souhaite d'être aimée, nourrie et soutenue autant que vous en aurez besoin.
Barbara ♡
À propos de l'auteur :
Bonjour à toutes et tous ! Je suis Barbara, l'esprit créatif derrière JOLIE SÉZON. Sur ce blog, je vous plonge dans des sujets précieux autour de la grossesse, de l'accouchement, du post-partum et de l'allaitement. D'abord issue d'un milieu artistique, j'ai finalement embrassé une nouvelle mission : celle de créer un univers pour informer, transmettre et prendre soin des femmes, des mères et des couples grâce à une approche non-médicale et plus globale de la naissance pour une maternité libre, éclairée et choyée. C'est en 2023 que je décide de me former à l'école Quantik Doula, auprès de Karine Langlois et Mélanie Loup, pour devenir Doula à large spectre, avec un accent tout particulier pour la maternité : grossesse, enfantement et postnatal mais aussi pour les cycles menstruels, la sexualité, la fertilité, la ménopause et le deuil. Ma plus grande inspiration reste, à tous les niveaux, celle de ma maternité avec ses blessures et ses joies immenses. Bienvenue dans l'univers de Jolie Sézon !
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Crédit photo : Barbara Guyomard Dubois - Alexandra Murcia - Pauline F. Photography